La naissance et la jeunesse

La vie d'une étoile débute au sein d'un nuage de gaz et de poussières interstellaires. Le gaz en question est essentiellement composé d'hydrogène H (~73 % en masse) et d'hélium He (~25 %). Les ~2 % restant sont composés d'éléments plus lourds, tels des molécules à base de carbone C (élément essentiel à la vie organique).

Un tel nuage interstellaire possède une masse variant de 100 000 à quelques millions de masses solaires et peut s'étendre sur plus de 300 années lumières (une année lumière est la mesure de la distance parcourue par la lumière en une année. Dans le vide, la lumière se déplace à environ 300 000 km/s).

Le nuage va commencer à se contracter sous l'effet de son propre champ de gravité suite à une perturbation causée, par exemple, par l'explosion d'une supernova et donner peu à peu naissance à des protoétoiles (nous verrons plus loin dans cet article qu'une supernova est une étoile mourant en explosant ; donc, la mort d'une étoile verra en naître un grand nombre d'autres en initiant la réaction permettant au gaz de se contracter : la mort créant la vie, un cycle éternel et immuable !).

Comme tout gaz comprimé, la matière du nuage interstellaire va voir sa température augmenter au fur et à mesure de la contraction. La contraction peut durer des millions d'années. Avec l'accroissement de la masse volumique des régions centrales, les inhomogénéités qui se créent inévitablement sont sources d'instabilité et le nuage se fragmente en multiples centres de contraction secondaires, donc en autant de futures étoiles.

Pour ceux d'entre eux qui sont suffisamment massifs, la concentration gravitationnelle se poursuivra tant et si bien que la température des régions centrales atteindra une dizaine de millions de degrés (la température du nuage initial avoisinait -258 °C, soit seulement une quinzaine de degrés au-dessus du zéro absolu, qui se situe à -278,15 °C). A cette température, la matière est totalement ionisée (toutes les particules élémentaires sont chargées électriquement) ; elle forme un plasma (gaz formé de particules chargées) de protons et d'électrons. L'énergie cinétique (énergie que possède un corps du fait de son mouvement) élevée des protons leur permet alors de s'approcher suffisamment pour que les forces attractives d'interaction nucléaire prennent le dessus et causent la fusion des deux particules et un énorme dégagement d'énergie.

En gros, le proton (qui est en fait le noyau d'un atome d'hydrogène) va fusionner avec un autre proton pour donner un noyau d'hélium, ce en passant par diverses réactions chimiques.

En résumé, nous avons l'initiation d'une réaction en chaîne faisant fusionner deux atomes d'hydrogène pour former un atome d'hélium, plus stable, causant une grande libération d'énergie. Les collisions multiples peuvent dès lors donner lieu à des réactions de fusion nucléaire au sein de la protoétoile. L'élévation de température et de pression qui en résulte stoppe la contraction de l'objet (les forces dégagées par la fusion nucléaire contrebalançant les forces d'attraction). Le corps céleste se stabilise, une étoile (en fait une gigantesque centrale à fusion nucléaire) est née ! Cela se produit lorsque la pression est suffisamment élevée et quand la température atteint une valeur critique d'environ un million de degrés °C. L'étoile entame alors la partie la plus longue de sa vie (notre Soleil est actuellement dans cette période : il est déjà âgé d'environ 5 milliards d'années et il lui en reste à peu près autant avant que l'hydrogène ne commence à manquer et qu'il n'atteigne le stade de la maturité. L'usine thermonucléaire marche à plein rendement et une température de 10 millions de degrés °C règne en son cœur).

Vous trouverez, dans les annexes de cet article, les principales données concernant la classification des étoiles, des données chiffrées sur notre Soleil, ainsi qu'un résumé des principales étoiles connues, ainsi que de leurs magnitudes.


 

La maturité

Durant la majeure partie de sa vie, une étoile tire son énergie des réactions de fusion de l'hydrogène en hélium. Cette énergie contribue à maintenir dans son cœur une pression suffisante pour lui permettre de résister à l'effondrement sous le poids des couches supérieures (forces d'attraction). Mais ce processus durera plus ou moins longtemps selon la masse de l'étoile. Il sera d'autant plus court que l'étoile est massive (la chaleur, plus élevée, fait que l'hydrogène se consomme à plus grande vitesse). Par exemple, la fusion d'hydrogène en hélium durera 10 milliards d'années pour notre Soleil ; pour une étoile trois fois plus massive, l'hydrogène s'épuisera en 500 millions d'années et, pour une étoile 30 fois plus massive, en 6 millions d'années seulement.

Les étoiles les plus lourdes à la naissance sont également les plus lumineuses (le dégagement énergétique, composé surtout de chaleur et de rayonnement, entre autre de lumière visible, étant plus intense). On appelle magnitude apparente la luminosité de tout objet céleste vu depuis la Terre (Cf. annexe B). On la dit apparente, car elle dépend de la quantité de lumière émise par l'astre mais également de son éloignement (deux étoiles de même taille, donc de même intensité lumineuse, auront une magnitude apparente plus ou moins grande suivant leur éloignement par rapport à la Terre, la plus éloignée nous paraissant, évidemment, la moins lumineuse). Vous trouverez également dans l'annexe C les magnitudes des principales étoiles de notre galaxie.

Lorsque les réserves de combustible nucléaire sont épuisées dans le cœur, la gravité reprend le dessus et la contraction se poursuit, provoquant une nouvelle élévation de la température centrale. Avec elle, l'énergie cinétique des collisions entre noyaux s'accroît et finit par permettre le déclenchement de réactions de fusion de noyaux plus lourds. Celles-ci se poursuivront jusqu'à épuisement du nouveau combustible.

On pourrait imaginer que cette alternance entre phases de contraction gravitationnelle et phases de fusion nucléaire de noyaux de plus en plus lourds se poursuive indéfiniment et assure à l'étoile de toujours trouver des ressources énergétiques lui permettant de résister à l'effondrement. Deux raisons majeures s'y opposent, qui conduiront à deux destins très différents :

    La naine blanche (étoile de masse initiale inférieure à ~8 masses solaires) ;

    La supernova (étoile de masse initiale supérieure à ~8 masses solaires).


 

La fin d'un étoile peu massive

La contraction gravitationnelle d'une étoile peu massive (<8 masses solaires) ne parvient pas à produire des températures très élevées au centre. Après les réactions de fusion de l'hydrogène en hélium, celles de l'hélium en carbone pourraient avoir lieu. Cependant, pour les petites étoiles, la température et la pression à l'intérieur du cœur n'est pas suffisante pour fusionner l'hélium qui s'y trouve en carbone. L'énergie dégagée par les réactions nucléaires ne peut désormais plus contrebalancer la force gravitationnelle.

Simultanément, l'enveloppe de l'étoile se répand dans le milieu interstellaire en un « vent stellaire » animé de vitesses de l'ordre d'une dizaine de kilomètres par secondes. Le phénomène culmine par l'éjection des dernières couches de l'enveloppe à des vitesses beaucoup plus élevées lors de la phase dite de nébuleuse planétaire. Seule subsistera la partie centrale de l'étoile, très chaude, émettant un rayonnement ultraviolet très intense qui illuminera le gaz de la nébuleuse planétaire.

La structure des nébuleuses n'est pas nécessairement à symétrie sphérique. Les étoiles sont en rotation, elles possèdent un champ magnétique, et le gaz nébulaire est un plasma ; leur interaction est complexe. Dans chaque cas, l'étoile arrivée en fin de vie est visible au centre de sa nébuleuse : on l'appelle naine blanche à ce stade.

Après quelques milliers ou dizaines de milliers d'années, la nébuleuse elle-même se sera dispersée dans l'espace et ne sera plus visible. A plus long terme, l'étoile centrale deviendra un astre de plus en plus froid et de moins en moins lumineux, rayonnant dans des longueurs d'onde de plus en plus grandes et, finalement, un astre « éteint », une naine noire.

Dans l'annexe D, vous trouverez des détails plus complets sur la vie d'une étoile peu massive, en l'occurrence notre bon vieux Soleil !


 

La fin d'une étoile massive

Dans ce cas, des températures bien plus élevées au centre de l'étoile lui permettent de provoquer la fusion du carbone et d'engendrer des éléments toujours plus lourds, tel le silicium (Si) ou l'oxygène (O). Toutefois, à mesure que des éléments de plus en plus denses sont synthétisés, l'astre arrive à une impasse. En effet, les réactions de fusion nucléaire (entre deux noyaux identiques) ne sont exothermiques (produisant de l'énergie) que si les noyaux ne dépassent pas une certaine masse. Lorsqu'une étoile en est arrivée à se fabriquer un cœur de fer (Fe), il n'existe désormais plus pour elle de ressource ultérieure d'énergie thermonucléaire. Cet élément étant le plus stable, sa fusion consomme de l'énergie au lieu de la produire (on dit que la réaction est endothermique).

Une fois ce stade atteint, la gravitation l'emporte donc irrésistiblement et conduit à l'effondrement de l'étoile sur elle-même. Les couches extérieures tombent sur le cœur, dont la masse volumique atteint celle des nucléons eux-mêmes (les nucléons étant les composants du noyau atomique, soit les protons et les neutrons).

A ce stade, le cœur se comprime et les noyaux de fer sont alors dissociés, les protons (chargés positivement) capturant les électrons (chargés négativement) pour former des neutrons (qui, comme leur nom l'indique, sont électriquement neutres). Ce nouveau cœur de neutrons, beaucoup plus compact, est alors capable de résister à la compression des couches externes ce qui arrête brusquement leur effondrement. L'énergie dégagée par les couches internes tombant vers le centre, produit une onde de choc qui « souffle » les couches extérieures de l'étoile à une vitesse de plusieurs milliers de kilomètres par seconde. C'est le phénomène de la supernova.

Le cœur de l'étoile subsiste alors sous la forme soit d'une étoile à neutrons (ou pulsar), soit d'un trou noir, selon que la masse initiale de l'étoile était inférieure ou supérieure à une trentaine de masses solaires.

Je parlerai des pulsars et des trous noirs dans la seconde partie de cet article.


 

Les supernovae

Vue de la Terre, une supernova apparaît souvent comme une étoile nouvelle, vu qu'un astre, en explosant, s'accompagne d'une augmentation brève mais fantastiquement grande de sa luminosité, la rendant d'un seul coup visible à l'œil nu.

Les supernovae sont des événements rares à l'échelle humaine : on estime leur taux à environ une à trois par siècle dans notre galaxie (la Voie Lactée). Elle jouent cependant un rôle essentiel dans l'histoire de l'univers, car c'est lors de son explosion en supernova que l'étoile libère les éléments chimiques qu'elle a synthétisés au cours de son existence (éléments indispensables à l'éclosion de la vie) et dont certains sont précisément synthétisés lors de l'explosion elle-même, pour être diffusés dans le milieu interstellaire. De plus, l'onde de choc de la supernova favorise la formation de nouvelles étoiles en initiant ou en accélérant la contraction de certaines régions du milieu interstellaire, comme nous l'avons vu au début de cet article.

Le processus initiant une supernova est extrêmement bref : il dure quelques millisecondes. Quant au phénomène de la supernova elle-même, il peut durer plusieurs mois. Au maximum de luminosité de l'explosion, la magnitude de l'astre peut atteindre -19, ce qui en fait un objet plus lumineux de plusieurs ordres de grandeur que les étoiles les plus brillantes : pendant cette période, la supernova peut rayonner plus d'énergie qu'une galaxie tout entière ou même que plusieurs galaxies. C'est la raison pour laquelle une supernova se produisant dans notre propre galaxie, voire une galaxie proche, est souvent visible à l'œil nu, parfois même en plein jour. C'est ainsi que plusieurs supernovae historiques ont été décrites à des époques parfois très anciennes (par exemple en 1006, où l'on observa la supernova la plus brillante des temps historiques, supernova située dans la constellation du Loup).


 

Annexe A : Classification des étoiles

L'observation des étoiles permet de constater qu'elles présentent des couleurs, celles-ci étant directement liées à leurs températures superficielles : des plus chaudes aux plus froides, les teintes passent du bleuté à l'orangé.

Type spectral (couleur)    Température superficielle (en °K)

O    >25 000

B    11 000 – 25 000

A    7 500 – 11 000

F    6 000 – 7 500

G    5 000 – 6 000

K    3 500 – 5 000

M    <3 500

L'échelle de température en Kelvin et la même que celle en Celsius, sauf qu'elle est décalée vers le bas : Celsius a pris la valeur de la fusion de la glace pour fixer le zéro, alors que Kelvin, lui, a fixé le zéro au niveau du zéro absolu, soit environ -278 °C.

Actuellement, chaque type est subdivisé en dix sous-types. Le Soleil, par exemple, appartient au type G2, avec une température superficielle de l'ordre de 5 800 degrés.


 

Annexe B : La magnitude apparente

Comme je l'ai déjà dit, la magnitude est la luminosité d'un objet stellaire (étoile, planète) vu depuis la Terre. Plus un objet est brillant, plus sa magnitude sera petite (voire négative). Il s'agit en fait d'une échelle logarithmique inverse.

L'astronome grec Hipparque (IIe siècle av. J.-C.) fut l'un des premiers astronomes de l'Antiquité à collecter des informations pour bâtir des catalogues stellaires donnant la position et l'éclat des étoiles visibles à l'œil nu. Son plus grand catalogue comprenait un peu plus de 1 000 étoiles. Les 20 plus brillantes étaient classées dans la catégorie « étoiles de première grandeur », les autres se répartissaient ensuite sur cinq échelons jusqu'aux « étoiles de sixième grandeur » qui étaient les étoiles les plus faibles visibles à l'œil nu.

Après avoir pointé vers le ciel sa première lunette astronomique, Galilée fut contraint d'inventer la 7e magnitude pour désigner les étoiles invisibles à l'œil nu mais révélées par son instrument. Jusqu'au milieu du XIXe siècle, les astronomes ajoutèrent peu à peu de nouveaux échelons mais sans vraiment modifier la logique du système inventé près de 2 000 ans plus tôt ! Il devint alors urgent, pour faire face à l'inflation des catalogues stellaires, de ne pas laisser la classification des magnitudes à la seule perception de l'œil humain, et de mettre en évidence une loi de variation de luminosité des astres.

Le premier qui formalisa le passage d'une magnitude à une autre fut l'astronome anglais Norman Pogson. En 1856, il proposa de considérer qu'une différence de 5 magnitudes était égale à une différence d'éclat de 100 fois. Le rapport entre deux échelons de magnitude devenait alors égal à la racine cinquième de 100 soit 2,512 fois.

Pour Hipparque et pour tous les savants jusqu'au XIXe siècle, les étoiles les plus brillantes étaient toutes de 1re grandeur, sans qu'il soit fait aucune distinction dans ce groupe. Pourtant, il était manifeste à l'œil nu que Sirius était nettement plus brillante que Véga, alors que les deux astres se trouvaient sur le même échelon de magnitude. La création d'appareils capables de mesurer précisément des éclats (photomètres) permit de dépasser cette limite et d'appliquer la formule de Pogson à tous les astres. L'échelle des magnitudes débutant initialement à l'unité, les astres plus brillants furent dotés de magnitudes plus petites, voire négatives. La magnitude apparente de Sirius devint ainsi égale à -1,46 et celle de Véga à + 0,03. La magnitude apparente de Véga est donc 3,9 fois moindre que celle de Sirius (2,512(0,03+1,46)).

Aujourd'hui, l'échelle de magnitudes s'étend de -26,74 (Soleil) à +30 (galaxies photographiées par le télescope spatial Hubble en 18 heures de pose !).

Comparaisons  

Astre
ou planète

Magnitude apparente

Soleil

-27

Pleine Lune

-13

Vénus (planète la plus brillante)

-4

Sirius (étoile la plus lumineuse)

-1

Limite de sensibilité de l'œil nu

+5

Pluton (planète la moins brillante)

+14

Limite de sensibilité de Hubble

+30


 

Annexe C : Les étoiles les plus brillantes

Voici les 20 étoiles les plus brillantes de notre galaxie.

Il est intéressant de remarquer que pratiquement toutes ces étoiles ont un nom, le plus souvent d'origine arabe (au Moyen Age, les astronomes, mathématiciens et chimistes arabes ont acquis la plupart des connaissances scientifiques sérieuses que l'Occident reprendraient des siècles plus tard). De nombreuses autres étoiles moins brillantes ont aussi été nommées, surtout celles appartenant au dessin des constellations les plus typiques.

Le classement n'est sans doute pas exactement rigoureux dans la mesure où les valeurs des magnitudes peuvent varier légèrement d'une source à une autre. Les magnitudes suivantes sont issues des mesures du satellite Hipparcos :

1

Sirius

Alpha CMa

-1.44 (magnitude apparente)

2

Canopus

Alpha Car

-0.62

3

Arcturus

Alpha Boo

-0.05

4

Rigil Kentaurus, Toliman

Alpha Cen

-0.01

5

Véga

Alpha Lyr

+0.03

6

Capella

Alpha Aur

+0.08

7

Rigel

Beta Ori

+0.18

8

Procyon

Alpha CMi

+0.40

9

Achernar

Alpha Eri

+0.45

10

Bételgeuse

Alpha Ori

+0.45

11

Hadar, Agena

Beta Cen

+0.61

12

Altair

Alpha Aql

+0.76

13

Acrux

Alpha Cru

+0.77

14

Aldébaran

Alpha Tau

+0.87

15

Spica

Alpha Vir

+0.98

16

Antarès

Alpha Sco

+1.06

17

Pollux

Beta Gem

+1.16

18

Fomalhaut

Alpha PsA

+1.17

20

Deneb

Alpha Cyg

+1.25

    


 

Annexe D : Le Soleil

Le Soleil est une étoile âgée de 4,6 milliards d'années environ, soit à peu près la moitié de son chemin sur la séquence principale. On admet généralement qu'il s'est formé sous l'effet des ondes de choc produites par une supernova. Le système solaire, par conséquent, et la Terre en particulier, ont le même âge.

Dans son état actuel, le cœur du Soleil transforme à chaque seconde plus de 4 millions de tonnes de matière (de masse) en énergie qui est transmise aux couches supérieures de l'astre et émise dans l'espace sous forme de rayonnement électromagnétique (lumière, rayonnement solaire) et de flux de particules (vent solaire).

Durant les 7,6 milliards d'années à venir, le Soleil épuisera petit à petit ses réserves d'hydrogène ; sa brillance augmentera d'environ 7 % par milliard d'années, suite à l'augmentation du rythme des réactions de fusion par la lente contraction du cœur.

Lorsqu'il sera âgé de plus de 12 milliards d'années, l'équilibre hydrostatique (état atteint par un système lorsque les forces de gravitation sont contrebalancées par une pression de direction opposée) sera rompu. Le noyau se contractera et s'échauffera fortement tandis que les couches superficielles, dilatées par le flux thermique croissant et ainsi partiellement libérées de l'effet gravitationnel, seront progressivement repoussées : le Soleil se dilatera et se transformera en géante rouge. Au terme de ce processus, le diamètre du Soleil sera environ 100 fois supérieur à l'actuel ; il dépassera l'orbite de Mercure et de Vénus. La Terre, si elle subsiste encore, ne sera plus qu'un désert calciné.

C'est durant cette phase de gonflement que son cœur en contraction arrivera aux environs de 100 millions de kelvins, initiant les réactions de fusion de l'hélium. Le réarrangement des couches du Soleil fera diminuer son diamètre jusqu'à ce qu'il se stabilise à une taille de plusieurs fois, jusqu'à 10 fois, sa taille actuelle. Il sera devenu une sous-géante.

Son cœur fusionnera l'hélium, principalement en carbone puis en oxygène, alors qu'une couronne externe du cœur fusionnera l'hydrogène en hélium. La masse du Soleil est insuffisante pour qu'il explose en supernova. Donc, environ 200 millions d'années plus tard, lorsque le cœur aura transformé tout l'hélium central en carbone et en oxygène, le noyau s'effondrera à nouveau sur lui-même tandis que les couches superficielles seront une fois de plus repoussées : le Soleil deviendra pour la seconde fois une géante rouge, voire une supergéante rouge, d'au-moins la taille de l'orbite terrestre actuelle.

Finalement, les couches externes seront éjectées dans l'espace et donneront naissance à une nébuleuse planétaire. Les restes de l'étoile formeront alors une naine blanche qui pourra briller encore plusieurs milliards d'années au cours desquelles elle se refroidira avant de s'éteindre définitivement, et devenir une naine noire.

Ce scénario est caractéristique des étoiles de faible à moyenne masse.


 

Données observées :


 

Magnitude apparente    -26,8

Diamètre moyen    1 392 000 km

Surface    6,09*1012 km2

Volume    1,41*1018 km3

Masse    1,9891*1030 kg

Gravité à la surface    273,95 m/s2 (un homme de 70 kg y pèserait plus de 19 000 kg !)

Température au centre    15,1 millions de °K

Température à la surface    5 800 °K

Type spectral    G2 – V

Composition de la photosphère    H (73,46 %), He (24,85 %), O (0,77 %), C (0,29 %), Fe (0,16 %), Ne (0,12 %), N (0,09 %), Si (0,07 %), Mg (0,05 %), S (0,04 %)


 


 

Dans la deuxième partie de cet article, nous reviendrons sur certaines caractéristiques des naines blanches et nous examinerons les phénomènes fascinants des pulsars et des trous noirs. Nous aborderons également le cas d'étoiles très étranges appelées quasars.


 

Toutes les questions que vous voudrez poser seront étudiées avec plaisir. N'hésitez donc pas à cliquer sur « commentaires » à la fin de l'article !


 

Les naines blanches (particularités)

Quelques chiffres et données

Une naine blanche possède une température variant entre 5 000 et 100 000 °K. Ces naines blanches ne peuvent plus que rayonner leur chaleur résiduelle en se refroidissant irrémédiablement. Une fois leur température assez basse, elles deviendront invisibles (elles seront, comme nous l'avons vu, devenues des naines noires).

Une naine blanche est typiquement de la taille de la Terre, pour une masse comprise entre 0,4 et 1,4 masse solaire. La densité y est donc très élevée :

Un verre d'eau rempli de matière y pèse plus de 50 tonnes !

Les naines blanches sont des étoiles en rotation rapide, car elles conservent la rotation de l'étoile initiale tout en étant beaucoup plus petites (conservation du moment cinétique).

Elles peuvent de plus posséder un champ électrique et magnétique assez intense pour se comporter comme des accélérateurs de particules et émettre dans le domaine des radiofréquences ou des rayons X.

Le phénomène des novae

Certains systèmes solaires sont doubles ; deux étoiles se sont mutuellement prises dans leur champ gravitationnel et tournent l'une autour de l'autre sous forme de huit. On appelle cela un système binaire et le « 8 » un lobe de Roche (du nom du physicien qui les a découvert).

Supposons maintenant qu''une des deux étoiles du système binaire soit une naine blanche et que l'autre étoile déborde de son lobe de Roche (du « 8 » formé entre les deux étoiles tournant l'une sur l'autre), c'est-à-dire que ses couches externes vont se trouver dans le champ gravitationnel de la naine blanche. La matière de l'enveloppe va alors être arrachée à celle-ci par le champ de gravité de l'étoile naine.

Cette matière va se condenser en un disque d'accélération autour de la naine blanche, et tomber vers la surface de cette dernière. Lorsque la température et la pression dans ce disque seront assez élevées, une réaction thermonucléaire va pouvoir s'amorcer, induisant ainsi un flash de lumière qui peut rayonner comme 10 000 soleils : c'est le phénomène de la nova, qui peut se répéter à intervalles plus ou moins réguliers.


 

Etoiles à neutrons et pulsars

Suite à l'explosion d'une supernova, le résidu de l'étoile sera appelé étoile à neutrons, comme nous l'avons déjà vu. Pour un diamètre inférieur à 10 km, sa densité sera encore supérieure à celle d'une naine blanche : environ 1 milliard de tonnes par cm! L'étoile à neutrons se crée à une température supérieure à 1 000 milliards de degrés mais elle va se refroidir très rapidement. En effet, elle va chuter à 1 million de degrés en environ 1 000 ans ce qui, à l'échelle stellaire, est très peu. Par la suite, sa température évoluera très lentement.

Dans une étoile à neutrons, la dégénérescence (celle qui maintient les naines blanches à l'équilibre) est trop forte pour celle-ci : on obtient alors un phénomène étonnant… Les électrons qui étaient déjà à leur limite sont poussés encore plus loin. Les électrons pénètrent dans l'atome, ils s'annulent alors avec les protons ce qui forme alors un amas de neutrons. Ce phénomène est appelé neutronisation. Bien vite ensuite la gravité reprend le dessus et les compriment à leur tour jusqu'à leur limite (comme pour les électrons) seulement les neutrons, eux, peuvent résister à cette compression tant que la masse de l'étoile est inférieure à une certaine masse évaluée aujourd'hui à 3,2 masses solaires.

Il se produit alors d'extraordinaires phénomènes. Premièrement, l'intense effondrement gravitationnel leur donne une grande énergie cinétique (l'énergie due au mouvement) ce qui fait que de jeunes étoiles peuvent atteindre une vitesse de rotation inférieure à une seconde par tour (la Terre, elle, a une vitesse de rotation de 24 heures). Cette vitesse de rotation attire bien souvent les gaz qui l'entourent, ce qui forme une magnétosphère (une atmosphère de plasma qui réagit aux champs magnétiques que l'on trouve chez certaines étoiles à neutrons). Ces étoiles sont appelées alors des pulsars (PULSating stARS ou étoiles pulsantes).

Les pulsars sont très petits (environ 10 km de rayon), leur vitesse de rotation est de 33 tours par seconde mais certains pulsars peuvent parfois atteindre des vitesses de 1000 tours par seconde. Les particules de plasma sont alors attirées vers les pôles du fait du champ magnétique où se forment alors d'intenses jets de radiations.

Ces impulsions lumineuses sont détectables de la Terre (ondes radios). Certains physiciens comparent ces jets de radiation à un phare stellaire tournant à une vitesse vertigineuse et balayant l'espace. Ce balayement est muni d'une régularité presque sans reproche ; on pourrait presque s'en servir comme horloge stellaire… Au fur et à mesure qu'ils dissipent leur énergie, les pulsars ralentissent leur vitesse. Pour finir, il deviennent de petits corps obscurs, immobiles et sont alors indétectables de la Terre.

Les périodes (nombre de tours) des pulsars augmentent lentement et régulièrement au cours du temps. Ainsi, le pulsar du Crabe né en 1054, a une période 0,033 secondes. Les pulsars les plus vieux auraient plusieurs centaines de milliards d'années.

Il y a une trentaine d'années, on a découvert l'existence de pulsars doubles : ces pulsars sont en fait composés de deux étoiles à neutrons de même masse qui interagissent l'une part rapport à l'autre, ce qui forme un équilibre assez stable.

Il y a une vingtaine d'années, nos chercheurs ont découvert un nouveau type de pulsar : le pulsar ultrarapide. Celui-ci tourne à la vitesse vertigineuse de 640 tours par seconde ! Ces pulsars ultrarapides ont la plupart du temps un champ magnétique assez faible et un âge plutôt avancé, pouvant atteindre le milliard d'années.


 

Les trous noirs

En astrophysique, un trou noir est un objet massif dont le champ gravitationnel, la gravité, est si intense qu'il empêche toute forme de matière ou de rayonnement de s'en échapper. La lumière ne peut s'en échapper et, vu qu'ils n'en émettent aucune, ils sont alors dits noirs. Les trous noirs sont décrits par la théorie de la gravité générale (Cf. annexe A sur les théories actuelles de la physique). Ils ne sont pas directement observables, mais plusieurs techniques d'observation indirecte permettent de les détecter. Par exemple, la matière happée par un trou noir est chauffée à des températures considérables avant d'être engloutie et émet de ce fait une quantité importante de rayons X. Ainsi, même si un trou noir n'émet pas lui-même de rayonnement, il peut néanmoins être détectable par son action sur l'environnement.

Un trou noir possède une masse donnée, concentrée en un point appelé singularité gravitationnelle (voir plus loin). Cette masse permet de définir une sphère appelée horizon des événements (voir plus loin), centrée sur la singularité et dont le rayon est une limite maximale en deçà de laquelle le trou noir empêche tout rayonnement de s'échapper. Cette sphère représente en quelque sorte l'extension spatiale du trou noir. Pour un trou noir de masse égale à celle du Soleil, par exemple, son rayon vaut environ 3 km. A des distances dites interstellaires (des millions de kilomètres), un trou noir n'exercera pas plus d'attraction que n'importe quel autre corps de même masse (Cf. annexe B sur la gravitation et les dimensions) ; il ne s'agit donc pas d'un « aspirateur » irrésistible. Par exemple, si le Soleil se trouvait remplacé par un trou noir de même masse, les orbites de ses planètes resteraient inchangées ! Ce n'est qu'en dépassant l'horizon des événements que l'on est irrémédiablement attiré par le trou noir.


 

1. L'horizon des événements

La zone qui délimite la région d'où lumière et matière ne peuvent s'échapper est appelée horizon des événements. On parle parfois de « surface » du trou noir, quoique le terme soit quelque peu impropre (il ne s'agit pas d'une surface solide ou gazeuse comme la surface d'une planète ou d'une étoile). Il ne s'agit pas d'une région présentant des caractéristiques particulières : un observateur qui franchirait l'horizon ne ressentirait rien de spécial à ce moment-là (voir ci-dessous). En revanche, il se rendrait compte qu'il ne peut plus s'échapper de cette région s'il essayait de faire demi-tour. C'est une sorte de point de non retour. En substance, c'est une situation qui est un peu analogue à celle d'un baigneur qui s'éloignerait de la côte. Si par exemple le baigneur ne peut nager que deux kilomètres, il ne ressentira rien s'il s'éloigne à plus d'un kilomètre de la côte. Par contre, s'il fait demi-tour, il se rendra compte qu'il n'a pas assez d'énergie pour atteindre la rive.

En revanche, un observateur situé au voisinage de l'horizon remarquera que le temps s'écoule différemment pour lui et pour un observateur situé plus loin du trou noir. Si ce dernier lui envoie des signaux lumineux à intervalles réguliers (par exemple une seconde), alors l'observateur proche du trou noir recevra des signaux plus énergiques (la fréquence des signaux lumineux sera plus élevée, conséquence du décalage vers le bleu subi par la lumière tombant vers le trou noir), et les intervalles de temps séparant deux signaux consécutifs seront plus rapprochés (moins d'une seconde, donc). Cet observateur aura donc l'impression que le temps s'écoule plus vite pour son confrère resté loin du trou noir que pour lui. A l'inverse, l'observateur resté loin du trou noir verra son collègue évoluer de plus en plus lentement, le temps, chez lui, donnant l'impression de s'écouler plus lentement.

En fait, à l'endroit où se situe la singularité, au centre du trou noir, le temps devient nul et la gravité infinie !

Si l'observateur distant voit un objet tomber dans un trou noir, les deux phénomènes de dilatation du temps et de décalage vers le rouge vont se combiner. Les éventuels signaux émis par l'objet seront de plus en plus rouges, de moins en moins lumineux (la lumière émise perd de plus en plus d'énergie avant d'arriver à l'observateur lointain), et de plus en plus espacés (rappelons-nous que dans le spectre énergétique, plus une onde se déplace en direction du rouge, puis de l'infrarouge, des micro-ondes et des ondes radio, moins elle possède d'énergie ; à l'inverse, une onde se déplaçant en direction du bleu, du violet, puis, dans l'ordre, de l'ultraviolet, des rayons X, des rayons gamma et des rayons cosmiques, plus son énergie augmente). En pratique, le nombre de photons (particules de lumière) reçus par l'observateur distant va décroître très rapidement, jusqu'à devenir nul : à ce moment-là, l'objet en train de chuter dans le trou noir est devenu invisible. Même si l'observateur distant tente de s'approcher de l'horizon en vue de récupérer l'objet qu'il a eu l'impression de voir s'arrêter juste avant l'horizon (n'oublions pas que le temps s'annule à cet endroit), celui-ci demeurera invisible !

Pour un observateur s'approchant d'une singularité (voir prochain chapitre), ce sont les effets de marée qui vont devenir importants. Ces effets, qui déterminent les déformations d'un objet (le corps d'un astronaute, par exemple) du fait des inhomogénéités du champ gravitationnel, seront inéluctablement ressentis par un observateur s'approchant de trop près d'un trou noir ou d'une singularité. La région où ces effets de marée deviennent importants est entièrement située dans l'horizon pour les trous noirs supermassifs, mais empiète notablement hors de l'horizon pour des trous noirs stellaires (Cf. annexe C : les différents types de trous noirs). Ainsi, un observateur s'approchant d'un trou noir stellaire serait déchiqueté avant de passer l'horizon, alors que le même observateur qui s'approcherait d'un trou noir supermassif passerait l'horizon sans encombre. Il serait tout de même inéluctablement détruit par les effets de marée en s'approchant de la singularité…


 

2. Singularité

Au centre d'un trou noir se situe une région dans laquelle le champ gravitationnel et les distorsions de l'espace (on parle plutôt de courbure de l'espace, comme nous le verrons dans l'annexe B) deviennent infinis. Cette région s'appelle une singularité gravitationnelle. La description de cette région est délicate dans le cadre de la relativité générale (Cf. annexe A) puisque celle-ci ne peut décrire des régions où la courbure devient infinie !

De plus, la relativité générale est une théorie qui ne peut pas incorporer en général des effets quantiques. Or, quand la courbure tend vers l'infini, on peut montrer que celle-ci est nécessairement sujette à des effets de nature quantique. Par conséquent, seule une théorie de la gravitation incorporant tous les effets quantiques (on parle alors de gravitation quantique) serait en mesure de décrire correctement les singularités gravitationnelles.

La description d'un singularité gravitationnelle est donc pour l'heure problématique (nous verrons dans l'annexe A que les actuelles théories de la physique ne sont pas compatibles entre elles). Néanmoins, tant que celle-ci est située à l'intérieur d'un trou noir, elle ne peut influencer l'extérieur, de la même façon que la matière située à l'intérieur d'un trou noir ne peut en ressortir. Ainsi, aussi mystérieuses que soient les singularités gravitationnelles, notre incapacité à les décrire, signe de l'existence de limitations de la relativité générale à décrire tous les phénomènes gravitationnels, n'empêche pas la description des trous noirs pour la partie située de notre côté de l'horizon des événements.


 

3. Formation des trous noirs

Pour l'astrophysique, un trou noir peut être considéré comme le stade ultime de l'effondrement gravitationnel d'une étoile. Les deux stades de la matière qui, en terme de compacité, précèdent l'état de trou noir, sont ceux atteints par les naines blanches et les étoiles à neutrons. Dans le premier cas, c'est la pression de dégénérescence des électrons qui maintient la naine blanche dans un état d'équilibre face à la gravité. Dans le second, il ne s'agit pas de la pression de dégénérescence des nucléons (les particules du noyau atomique, soient les protons et les neutrons), mais l'interaction forte qui maintient l'équilibre. Un trou noir ne peut se former suite à l'effondrement d'une naine blanche : celle-ci, en s'effondrant, initie des réactions nucléaires qui forment des nucléons plus lourds que ceux qui la composent. Ce faisant, le dégagement d'énergie qui en résulte est suffisant pour disloquer complètement la naine blanche, qui explose en supernova dite thermonucléaire (ou de type Ia).

Un trou noir se forme lorsque la force de gravité est suffisamment grande pour dépasser l'effet de la pression, chose qui se produit quand l'astre pro géniteur dépasse une certaine masse critique. Dans ce cas, plus aucune force connue ne permet de maintenir l'équilibre, et l'objet en question s'effondre complètement. En pratique, plusieurs cas de figure sont possibles : soit une étoile à neutrons accrète de la matière issue d'une autre étoile, jusqu'à atteindre une masse critique, soit elle fusionne avec une autre étoile à neutrons (phénomène à priori beaucoup plus rare), soit le cœur d'une étoile massive s'effondre directement en trou noir.


 

4. Un peu de SF (aaaaaah !…)

Je précise que tout ce qui suit est basé sur des calculs théoriques et des spéculations scientifiques tout à fait sérieux !

Les trous blancs

Un trou blanc (aussi appelé fontaine blanche) est un objet théorique qui formerait le symétrique par rapport au temps d'un trou noir, puisque dans un cas rien ne peut sortir d'un trou noir, et dans l'autre rien ne peut pénétrer dans une fontaine blanche. Le trou blanc serait donc le point de sortie théorique d'un trou noir.

Un trou noir comprendrait ainsi deux types d'horizons : un horizon « futur » englobant une singularité gravitationnelle et décrivant une région que l'on ne peut quitter une fois que l'on y a pénétré, et un horizon « passé », délimitant une région (le trou blanc) dans laquelle il est impossible de rester et dont on ne peut que sortir.

Certains astrophysiciens pensent que les fontaines blanches sont des réalités étant donné que le phénomène d'expansion de l'Univers a pour origine un Big Bang issu d'une singularité…

Les trous de ver

Le trou de ver (wormhole en anglais) serait, théoriquement, le passage entre le trou noir et la fontaine blanche. Deux singularités pourraient être reliées dans l'hyperespace par un trou de ver, sorte de sas entre deux régions éloignées de l'Univers. Seul inconvénient, nul ne sait comment entretenir un tel passage et lui donner une taille macroscopique (comparable à la nôtre). En effet, ce « pont » dans l'hyperespace est à l'échelle de Planck : il mesurerait 10-33 cm et serait, de plus, instable : il se refermerait sur lui-même en l'espace de 10-43 secondes ! Pire, si on essayait de l'agrandir, il s'autodétruirait… Comme aiment le dire les physiciens, le trou de ver appartient à l' « écume quantique » et obéit aux lois de la probabilité.

Totalement différent d'une singularité, un trou de ver est « nu » : il demeurerait visible aux yeux de tous et, plus extraordinaire encore, il permettrait de voyager dans le temps en fonction du sens que l'on prendrait. Ce qui explique son attrait… tout théorique, car il faudrait encore longtemps aux physiciens pour passer au stade expérimental.

Du fait qu'un trou de ver permet en théorie à la lumière d'émerger ailleurs dans l'espace-temps, certains astrophysiciens pensent qu'une sorte d'antigravité doit œuvrer dans ce phénomène.

Les voyages dans le temps

D'après la théorie de la relativité générale d'Einstein, plus un objet se déplace vite, plus il verra le temps s'écouler lentement. Si l'entrée d'un trou de ver (trou noir) reste immobile et sa sortie (fontaine blanche) se déplace à 99,99 % de la vitesse de la lumière, quand il se sera écoulé 48 heures à l'entrée, il ne se sera écoulé que 28 minutes à la sortie. Ainsi, si nous arrivions à construire un trou de ver et à maîtriser la vitesse de sa sortie, nous pourrions voyager dans le temps et choisir le moment de sortie dans le passé !

Certains scientifiques nient la possibilité des voyages temporels à cause du fameux paradoxe du grand-père : si un homme retourne dans le passé et tue son grand-père jeune, cet aïeul n'aura jamais eu d'enfant et cet homme n'aura alors jamais existé. S'il n'a jamais existé, il ne peut pas avoir tué son grand-père, donc il existe bel et bien et peut retourner dans le passé tuer son grand-père… Ce paradoxe est bien-sûr sans fin ! Pour les scientifiques dont je parlais, accepter les voyages dans le temps revient à nier toute cohérence logique. Pour trouver une solution, plusieurs d'entre eux admettent l'hypothèse de mondes parallèles ! En effet, si notre homme part dans un monde parallèle et tue une personne qu'il croit être son grand-père, son action n'aura aucune influence sur son existence et le paradoxe est alors gommé !


 

Annexe A : Les théories actuelles de la physique

Pour des grandeurs et des vitesses correspondant aux normes humaines, la bonne vieille théorie de la gravitation universelle de Newton s'applique toujours. Par contre, ce n'est plus le cas lorsque l'on atteint des vitesses approchant le dixième de la vitesse de la lumière ou pour des distances infinitésimales (de l'ordre des particules atomiques). Deux théories concurrentes et inconciliables doivent être mises en jeu : la relativité générale pour les grandes vitesses et la mécanique quantique pour les distances subatomiques.

La relativité générale est une théorie relativiste de la gravitation, c'est-à-dire qu'elle décrit l'influence sur le mouvement des astres de la présence de la matière et, plus généralement d'énergie, en tenant compte des principes de la relativité restreinte (développée avant la théorie générale). La relativité générale englobe et supplante la théorie de la gravitation universelle d'Isaac Newton qui en représente la limite aux petites vitesses (comparées à celle de la lumière) et aux champs gravitationnels faibles.

La relativité générale est principalement l'œuvre d'Albert Einstein, dont elle est considérée comme la réalisation majeure, qui l'a élaborée entre 1907 et 1915.

La relativité générale est basée sur des concepts radicalement différents de ceux de la gravitation newtonienne. Elle stipule notamment que la gravitation n'est pas une force, mais est la manifestation de la courbure de l'espace-temps, courbure elle-même produite par la distribution de matière. Cette théorie relativiste de la gravitation donne lieu à des effets absents de la théorie newtonienne mais vérifiés, comme l'expansion de l'univers, ou potentiellement vérifiables, comme les ondes gravitationnelles et les trous noirs.

La théorie de la gravitation universelle proposée par Newton à la fin du XVIIe siècle se base sur la notion de force de gravitation agissant selon le principe d'action à distance, c'est-à-dire le fait que la force exercée par un corps (par exemple le Soleil) sur un autre (la Terre) est déterminée par leur position relative à un instant donné, et ce quelle que soit la distance les séparant. Ce caractère instantané est incompatible avec l'idée de la relativité restreinte proposée par Einstein en 1905. En effet, selon cette dernière, aucune information ne peut se propager plus vite que la vitesse de la lumière dans le vide. Par ailleurs, le principe de l'action à distance repose sur celui de la simultanéité de deux événements : la force que le Soleil exerce sur la Terre à un instant donné est déterminée par leurs propriétés « à cet instant ». La relativité restreinte stipule que le concept de simultanéité de deux événements n'est pas défini, la notion de simultanéité différant d'un observateur à un autre pour peu que ceux-ci soient animés d'une vitesse relative non nulle. Ces contradictions amènent Einstein dès 1907 à réfléchir à une théorie de la gravitation qui soit compatible avec la relativité restreinte. Le résultat de sa quête sera la théorie de la relativité générale.

La mécanique quantique, quand à elle, complète la physique classique, celle-ci échouant dans sa description du monde microscopique ainsi que dans celle de certaines propriétés du rayonnement électronique. Le mot quantique vient du latin quantum (quantité), indiquant par là que l'énergie se déplace par paquets et non de façon continue comme c'est le cas dans le monde macroscopique.

Les principes fondamentaux de la mécanique quantique ont été établi essentiellement entre 1922 et 1927 par les physiciens Bohr, Dirac, de Broglie, Heisenberg, Jordan, Pauli et Schrödinger. Ils permettent une description complète de la dynamique d'une particule massive non relativiste.

Les principes de base ont été complétés par Bose et Fermi afin d'autoriser la description d'un ensemble de particules identiques, ouvrant la voie au développement d'une physique statistique quantique.

La mécanique quantique a repris et développé l'idée de dualité onde-particule introduite par Louis de Broglie en 1924 consistant à considérer les particules de matière non pas seulement comme des corpuscules ponctuels, mais aussi comme des ondes, possédant une certaine étendue spatiale. Niels Bohr a introduit le concept de « complémentarité » pour résoudre cet apparent paradoxe : tout objet physique est bien à la fois une onde et un corpuscule, mais ces deux aspects, mutuellement exclusifs, ne peuvent être observés simultanément. Si l'on observe une propriété ondulatoire, l'aspect corpusculaire disparaît. Réciproquement, si l'on observe une propriété corpusculaire, l'aspect ondulatoire disparaît. Dans le même ordre d'idées, il est impossible d'observer en même temps la position et la vitesse d'une particule (un électron, par exemple) : si on arrive à déterminer avec exactitude la position d'une particule, il y aura une incertitude sur sa vitesse. De même, si l'on arrive à déterminer avec précision la vitesse de cette particule, il y aura une incertitude sur sa position. Ce principe est appelé principe d'incertitude d'Heisenberg, du nom du physicien l'ayant énoncé.

Le défit de la physique actuelle est de réussir à trouver une théorie qui unifierait enfin ces deux façons de voir l'Univers : une théorie générale de la gravitation quantique, qui nous permettrait de beaucoup mieux connaître le fonctionnement de notre monde. Un astrophysicien en particulier, le célèbre Dr Stephen Hawking, a fait d'énormes avancées en ce sens. Pour ceux qui voudraient approfondir ce sujet, je leur conseille l'extraordinaire livre de Hawking, « Une brève histoire du temps, du Big Bang aux trous noirs », paru aux Editions Flammarion en 1989.


 

Je m'étais juré de ne pas écrire une seule formule dans cet exposé, mais je ne peux résister au plaisir d'y introduire la plus connue de toutes, due à Einstein :

E = m c2

E : Energie

m : masse

c: vitesse de la lumière au carré (constante)

Cette simple équation du premier degré, que signifie-t-elle au juste ? Que la masse est proportionnelle à l'énergie ou que la matière est en fait de l'énergie au repos ! Lorsque vous êtes assis sur une chaise, vous êtes certes assis sur de la matière, mais vous êtes surtout assis sur un champ de force…


 

Annexe B : La gravitation et les dimensions

Nous savons tous que nous vivons dans un Univers constitué de trois dimensions spatiales et d'une quatrième, non-physique, le temps.

En imaginant que notre Univers n'ait que deux dimensions physiques, on peut plus aisément se représenter le phénomène de la gravitation et de la courbure de l'espace-temps qu'un objet provoque. Imaginons que l'Univers soit un filet élastique tendu sur un cadre ; il représentera l'Univers. En y lançant une boule de pétanque (la Terre), cette dernière va creuser le centre du filet. Si on lâche maintenant le cochonnet (la Lune) sur la toile, il sera irrémédiablement attiré par la cavité creusée par la boule et viendra s'y coller. Voilà comment on peut se représenter le phénomène de la gravitation qui attire les objets entre eux et courbe l'espace-temps (en l'occurrence le filet, qui était plat au départ). Bien-sûr, ceci n'est qu'une représentation schématique car, dans la réalité, nous vivons dans un monde à trois et non à deux dimensions physiques.

Dans notre exemple, plus l'objet lancé sur le filet sera lourd, plus il y creusera une profonde dépression. On peut alors se représenter un trou noir comme un objet si lourd, qu'il va carrément crever ce filet et y faire un trou, pour disparaître en dessous !


 

Annexe C : Les différents types de trous noirs

Il existe plusieurs sortes de trous noirs. Lorsqu'ils se forment à la suite de l'effondrement gravitationnel d'une étoile, on parle de trous noirs stellaires. Quand on les trouve au centre des galaxies, ils ont une masse pouvant aller jusqu'à plusieurs milliards de masses solaires et on parle alors de trous noirs supermassifs (ou trous noirs galactiques). Entre ces deux échelles de masse, on pense qu'il existe des trous noirs intermédiaires avec une masse de quelques milliers de masses solaires. Des trous noirs de masse bien plus faible, qui auraient été formés au début de l'histoire de l'univers, au Big Bang, sont aussi envisagés, et sont appelés trous noirs primordiaux. Leur existence n'est à l'heure actuelle pas confirmée. Il y aurait, finalement, des micro trous noirs, de la taille de quelques millimètres (certains esprits fantaisistes imaginent que c'est l'une des explications du fameux Triangle des Bermudes : il y aurait, en son centre, un micro trou noir qui aspirerait toute matière approchant son horizon et finirait, un jour, par engloutir la Terre elle-même…).

J'espère que ces quelques explications vous auront un peu mieux aidé à comprendre la mécanique compliquée régissant notre Univers. Dans un prochain article, je me propose de vous parler des débuts de cet Univers justement et du phénomène que l'on appelle Big Bang qui y aurait donné naissance.

Toutes les questions que vous voudrez poser seront étudiées avec plaisir. De même si vous avez des sujets à proposer dans le cadre de la science (astrophysique ou physique des particules principalement). N'hésitez donc pas à cliquer sur « commentaires » à la fin de l'article !

Edition originale : A Planet Called Treason, St. Martin's Press, Inc., New York, 1979.

Traduction : Denoël (Présence du Futur), 1980, Alain Dorémieux.


L'auteur

Orson Scott Card est né le 24 Août 1951 à Richland dans l'état de Washington. Mormon pratiquant, il a été élevé dans une foi rigide. Ses parents lisaient beaucoup et possédaient énormément de livres et c'est tout naturellement que le jeune Card se rendit compte qu'il préférait lire à toute autre activité. Les premières histoires qu'il lut étaient des histoires fantastiques et des contes de fées. A l'âge de 9 ans, il commença à s'intéresser à la science-fiction. Il fit ensuite ses études universitaires dans l'Utah, puis suivit un parcours peu commun pour un auteur de SF, en commençant par être missionnaire deux ans au Brésil puis par enseigner dans une école religieuse pour adultes à Salt Lake City. Ce parcours religieux se retrouvera dans son œuvre, souvent sous forme de réflexions, de questionnements sur l'homme, le divin et sous forme de personnages en quête de rédemption et de grands destins.

En 1977, à l'âge de 26 ans, Card publie sa première nouvelle, pour laquelle il obtient le prix John Campbell du meilleur nouvel auteur. Deux ans plus tard, il publie son premier roman, Une planète nommée Trahison. Mais la consécration viendra en 1985, où deux années de suite il obtiendra le prix Hugo* et le prix Nebula** pour, respectivement, La Stratégie Ender et La Voix des morts.

Card semble plutôt se porter vers la fantasy, l'uchronie et les fictions temporelles. Il s'attache à de longues sagas en plusieurs volumes comme les sept tomes des Chroniques d'Alvin le Faiseur. Dans ce dernier, l'action se déroule dans une Amérique du Nord alternative où la magie est plus ou moins présente et où il développe des personnages complexes. Son style se caractérise par des préoccupations morales, le goût des personnages messianiques et un talent de conteur indéniable. Card est un exceptionnel créateur de mondes imaginaires, auteur de quelques-unes des œuvres les plus marquantes de ces 20 dernières années. Il vit actuellement à Greensboro dans l'état de Caroline du nord avec sa femme Kristine et ses 5 enfants.

* Prix Hugo : Prix décerné chaque année par les auteurs professionnels de la SF et de la fantasy (le Goncourt du genre).

** Prix Nebula : Décerné annuellement par la Science-Fiction and Fantasy Writers of America (organisation regroupant des écrivains de SF et de fantasy), le Nebula est attribué à l'oeuvre jugée la plus novatrice.


Œuvres majeures

Une planète nommée Trahison (Denoël – Présence du Futur)

Espoir-du-cerf (Denoël – Présence du Futur)

Les maîtres-chanteurs (Denoël – Présence du Futur)

La Stratégie Ender (4 tomes chez J'ai Lu – Science-Fiction)

Les Chroniques d'Alvin le Faiseur (7 tomes chez Gallimard – Folio SF)


Résumé

Les plus grands savants de la Terre se sont rebellés contre la toute-puissante République. En représailles, ils furent exilés sur une planète ne contenant pratiquement pas de fer ; et qui dit absence de fer, dit impossibilité de construire un astronef et de s'échapper !

3 000 ans passent. Chaque exilé a fondé une Famille plus ou moins puissante, le territoire conquis par elle prenant le nom de son ancêtre. Toutes ont développé des facultés particulières en relation avec la spécialisation de leur fondateur. Mueller, par exemple, est spécialisé dans la génétique ; ce sont des régénératifs : leurs membres repoussent, leurs blessures guérissent presque instantanément.

Chaque Famille possède un « Ambassadeur », appareil où ils déposent leurs trouvailles. En échange, la République leur envoie du fer (en petite quantité) selon la valeur estimée de ce qu'ils ont à offrir. Pour les Mueller, ce sont des membres, des organes (ils les prélèvent sur certains des leurs, parqués comme du bétail, chez qui des membres et des organes supplémentaires poussent de façon incontrôlée, comme une sorte de cancer : les régénératifs radicaux).

Mueller domine ce monde médiéval car il possède le plus de fer (indispensable pour la guerre). Mais une autre Famille vendant des idées techniques et physiques est sur le point de les surpasser.

Un jour, l'héritier en titre, Lanik, se réveille avec une paire de seins : il constate avec horreur qu'il est devenu un radical ! Exilé, il ira de Famille en Famille, apprenant des choses stupéfiantes comme parler et se faire obéir de la roche, ralentir ou accélérer le temps. Guéri par une Famille pouvant modifier l'ADN, il finira par réunifier et libérer sa planète.

Quête initiatique fortement teintée de morale, cette magnifique fresque, digne des meilleurs romans de science-fantasy de Jack Vance, est remplie d'humanité, d'intelligence et de beauté. Poignant et inoubliable. Un roman extraordinaire tant par ses idées originales que par son côté écologiste prônant la paix et l'amour du prochain.

- On a quand même de la chance. Une chance inouïe.

- Ouais, une sacrée veine ; on ne le dira jamais assez.

- Dire qu'il y a cent ans personne n’échappait à la mort !

- J'ai de la peine à y croire, franchement. Et pourtant, si mes parents avaient vécu une dizaine d'années de plus, ils auraient pu bénéficier de la Régénération continue.

- C'est vrai. Te rends-tu seulement compte de ce que les gens devaient subir en ce temps-là ? Les maladies, les douleurs, la bureaucratie… rien que des tracas sans fin !

- Et puis il y avait la vieillesse…

C'est juste : la vieillesse... Ca laisse songeur !

- Voir son corps se décrépir et se racornir sans pouvoir faire quoi que ce soit pour y remédier. Ce devait être drôlement angoissant !

- Et tout à fait inutile. Heureusement, tout ça c'est fini ; bien fini.

- Ouais. Mais n'empêche, ça me fait froid dans le dos !

L'homme se leva, étira ses membres endoloris et jeta une pastille d'air dans l'oxygénateur incorporé de son scaphandre étanche.

- Je me demande quand même si on n'y a pas perdu quelque chose, reprit la femme. Je ne sais pas. La vie devait avoir plus de relief alors.

- Tu racontes des bêtises, 228 ; la vie, à cette époque, était sale et répugnante. Ca puait, ça polluait, ça grouillait. Et puis tu oublies la criminalité, les guerres, les catastrophes naturelles. Non. On y a largement gagné, je t'assure.

- Peut-être... Mais regarde-nous, 341. Il y a deux ans que le Comité nous a appariés. J'ai une jolie maison, entièrement automatisée, tu as un boulot bien payé à l'usine et, chaque semaine, tu ne trimates pas plus que les cent douze heures syndicales. L'Office de surpopulation nous permettra peut-être même d'adopter un bébé synthétique d'ici quelques années si nous nous montrons honnêtes et travailleurs. Le bonheur, en somme. Qui pourrait rêver mieux ? N'empêche...

L'homme, quelque peu excédé, s'était mis à arpenter la pièce avec agitation.

- Tu te mets de fausses idées en tête, 228. Tu n'as pas le droit de dire des choses pareilles ; pas le droit. Après tout ce que le Comité a fait pour nous ! Nous avons même obtenu l'autorisation de copuler une fois tous les deux mois ; c'est pas courant, tu sais ! J'en connais à l'usine qui ne le font que deux fois l'an ! Etre immortels, ça a aussi son prix.

Eh bien tu vois, à choisir, je préférerais que tout soit comme avant. Le soleil, l'air pur, les oiseaux, les rivières et les lacs, les montagnes, pas cette saleté d'oxygène en boîte et ce satané soleil artificiel. Ils n'ont aucune saveur. C'est toujours pareil. Jamais de pluie, jamais d'orages ni de neige. Jamais rien. On s'ennuie, 341, on s'ennuie... à mourir !

_ Mais tais-toi donc, bon sang ! Es-tu devenue folle ? On pourrait nous entendre ! Nous retirer tous nos privilèges !

- Tu te fais des idées, 341. Je t'assure : personne ne nous écoute. Tu sais bien que ces pratiques ont été abolies. Je l'ai entendu dire à la TV ; et ils ne mentent jamais.

- Peut-être, mais c'est dangereux.

La femme décroisa ses jambes et soupira avec dépit.

- Tu as raison. Je le sais bien. On est condamné à ce bonheur perpétuel et glacé, cette platitude triste et morose qu'est devenue la vie, mais ils disent que c'est le prix à payer pour atteindre la perfection. Et bien tu vois, je n'en veux pas de leur perfection. J'aimerais vivre ; vraiment. Pas par procuration. Vivre. Avoir des enfants, copuler quand je le désire, aller en vacance à la mer, vieillir à tes côtés – oui, vieillir - et rire et pleurer. C'est pas compliqué ce que je demande, pas compliqué. Vivre, tout simplement !

Elle était au bord des larmes et ses mains, qu’elle tenait serrées l’une contre l’autre, tremblaient violemment.

- Tu sais comme moi que c'est impossible, 228. Tout ça n'existe plus. C'est fini, révolu. Il faut regarder l'avenir, aborder avec fierté les siècles glorieux que la race humaine a devant elle, et ne pas oublier notre but ultime : porter la Révolution du peuple aux races opprimées de la Galaxie afin, qu'eux aussi, connaissent un jour ce bonheur qui nous submerge.

- Tu parles comme un poli-prêcheur !

- Dans ta bouche, on dirait que c'est un reproche ! Mais n'est-ce pas le but de chaque travailleur que d'être admis au sein du Parti ? A la droite même de notre Seigneur (louées soient ses mains calleuses) ? N'est-ce pas le but de tous nos efforts et de notre vie tout entière ? Je n'aime pas ta façon de parler. J'ai presque envie d'avertir le Comité de délation. Toi et tes idées perverses ! Respirer l'air pur, avoir des enfants... Te rends-tu compte seulement à quel point tout cela est dégoûtant ?

L’homme était rouge de fureur et serrait ses poings si forts que ses phalanges en étaient devenues blanches.

- Et le Dogme ? poursuivit-il, oublies-tu que Jazès-33, le Dernier-A-Porter-Nom, fut attaché sur une croix de métal par les légions de Ponszom Pilwat en personne, le chef honni des Ecumeurs temporels, et…

- Je sais tout cela, fit la femme d’une voix contrite. Excuse-moi, 341. Un moment de déprime. Tout va s'arranger. Ca va passer, je t’assure.

- Il vaudrait mieux. Enfin... Je crois qu'on a tous les deux besoin d'un peu de détente. J'ai bien envie de leur téléphoner...

La femme avait brusquement relevé la tête et ses yeux brillants lançaient des éclairs d’envie.

- Tu parles sérieusement ? Tu sais que ça coûte les yeux de la tête ! C'est de la folie : tu l'as déjà fait il y a six mois !

- On a bien le droit de dépenser le salaire généreusement offert par l'Etat, après tout. Ils l'ont dit à la réunion. Il est tout à fait légitime que le travailleur, après avoir donné peine et sueur à la Patrie, puisse jouir d'un repos bien mérité. On s'est battu au syndicat pour l'avoir cette demi-heure de détente. On ne va pas la lâcher. Viens. Je vais téléphoner.

- 341, je crois que je t'aime.

- Ne dis pas de grossièretés, 228. Donne-moi plutôt le numéro... Là ! J'y suis… Allô ? Office des détentes & loisirs ? Ici 341, de la cité A-45693. Oui. Nous aimerions commander quelque chose de très spécial. Oui. Une maladie horrible. Quelque chose de vraiment infect… et de douloureux, très douloureux !… Comment ? La peste bubonique ? Oui, ce sera parfait, vraiment parfait !

- Tu es fou, 341 ! Tu es sûr qu'on en a les moyens ?

- Mais oui, 228 ! Arrête de parler, je n'entends plus ce que me dit la standardiste ! Comment ? La livraison aura lieu d'ici quelques minutes ? Entendu. Je réglerai comme d'habitude. Oui. Je te remercie, camarade. Oui. Liberté à toi aussi.

- C'est de la folie, mais je m'en réjouis d'avance. Toutes ces douleurs... Je n'ai jamais essayé la peste. Il paraît qu'on souffre beaucoup. J'ai été un peu déçue par le choléra en février. Les voisins m'ont dit que la peste, c'était très bien. Mais tu es vraiment sûr que ça va pas nous faire de mal ? Enfin, je veux dire vraiment ?

- Ne dis pas de sottises, 228. C’est du bidon, un truc. Drogues de synthèse qu'ils appellent ça. Tu sais, moi j'y comprends rien, mais le Comité a dit que c'était un excellent exutoire physique et psychique pour le travailleur.

- N'empêche, ça a beau être du chiqué, ça fait drôlement réel... Ah ! Je crois qu'on a sonné : la livraison est plus rapide que la dernière fois. Vraiment, 341, tu me gâtes trop, tu sais. Je crois sincèrement que je commence à t'aimer.

- Je t'ai déjà dit d'oublier ces idées répugnantes ! Viens. Aide-moi plutôt à ouvrir le paquet. Tu verras : ça nous fera du bien...

Comme promis, voici une courte nouvelle qui, je l'espère, vous plaira...


« Lasciate ogne speranza,

voi ch’intrate »

Dante


La jeune fille restait prostrée dans un coin sombre du wagon. Elle ne se souvenait de rien : ni qui elle était, ni d’où elle venait.

Bercée par le doux ronronnement du moteur et les balancements hypnotiques de la voiture, son esprit s’engourdit peu à peu, et elle sombra rapidement dans un profond sommeil.

Elle se réveilla en sursaut lorsqu’elle sentit qu’on lui secouait l’épaule : une clocharde en haillons la surplombait, exhibant un large sourire édenté. Elle sentait effroyablement mauvais, et de rares cheveux jaunâtres luisant de graisse encadraient son visage, aussi ridé qu’une vieille pomme. Un énorme nez en bec d’aigle émergeait de ses traits flasques et adipeux, lui donnant l’apparence d’une sorcière moyenâgeuse.

Lorsqu’elle se mit à parler, la jeune fille dut détourner la tête tant son haleine empestait l’alcool.

- Je t’ai fait peur, mon enfant ? demanda la vieillarde d’une voix étrangement douce.

La jeune fille, qui s’était pelotonnée dans son siège, ne répondit rien. Elle frissonnait et ses pupilles s’étaient agrandies jusqu’à faire disparaître ses iris bleu-nuit.

Aussitôt, la vielle femme retira sa main de son épaule et s’assit face à elle, couvant la gamine de ses yeux chassieux.

- Excuse-moi si je t’ai fait peur, petite, mais je t’ai entendu pleurer dans ton sommeil et suis venu voir si quelque chose n’allait pas.

- Je m’appelle Sarah, poursuivit-elle, et toi, quel est ton nom ?

Rassurée par sa voix apaisante, la jeune fille lui répondit :

- Je… je m’appelle Rose. C’est une des seules choses dont je me souvienne. Que faisons-nous dans ce train, madame ? Et pourquoi mes parents ne sont-ils pas avec moi ?

- Tu te souviens de tes parents ?

- Vaguement… Mais je me rappelle avoir un chat ; il s’appelle Filou.

- Très joli nom, fit Sarah.

- Mais pourquoi sommes-nous ici et où allons-nous ?

La vieille femme soupira et prit un air pensif.

- Là où nous devons aller, répondit-elle évasivement.

- Et pourquoi ai-je perdu la mémoire ? persista la jeune fille.

- Pour ton bien ; c’est la dernière faveur qu’on t’accordera…

Rose ne comprit pas la véritable portée de ces paroles et s’en contenta pour l’instant. Tournant son visage hâve vers la vitre, elle tenta sans succès de percer l’obscurité absolue, presque palpable tant elle semblait matérielle, régnant à l’extérieur.

Sarah, devinant ses pensées, devança sa nouvelle amie :

- Inutile d’essayer d’ouvrir la fenêtre, petite ; j’ai déjà essayé. Et la vitre, ajouta-t-elle bizarrement, est incassable.

Rose l’examina un instant, les sourcils froncés, ne comprenant pas vraiment ce que la vieille dame voulait dire : qui aurait l’idée de briser une vitre dans un train en marche ?

Elle fut rapidement sortie de ses réflexions par un bruit de pas traînants dans le couloir. Cela ressemblait en fait plus à un frottement visqueux qu’à des pas, constata avec effroi la jeune fille. Elle était sur le point de se lever, lorsque Sarah lui conseilla vivement de se rasseoir si elle ne voulait pas avoir d’ennuis.

Rose s’exécuta, tremblante et apeurée. Quel pouvait bien être cette… chose qui s’approchait du compartiment ?

Une fois de plus, la vieillarde la devança et lui expliqua que ce n’était que le contrôleur.

Rose, à moitié rassurée, se rasséréna quelque peu.

- As-tu ton ticket, au fait ? demanda Sarah d’une voix anxieuse.

- Je… je n’en sais rien.

La vieille femme commençait à montrer des traces de panique.

- Fouille ton pantalon, lui exhorta-t-elle, il doit s’y trouver. Et dépêche-toi : Il arrive !

Rose s’exécuta aussi vite qu’elle le put et ressortit de l’une de ses poches un petit morceau de carton couvert de caractères phosphorescents indéchiffrables.

- Madame, commença-t-elle, je n’arrive pas à…

- Tais-toi donc, fillette, lui ordonna Sarah en sortant son propre ticket. Ne dis surtout rien et tends ton passe lorsqu’Il te le demandera, lui expliqua-t-elle d’une voix étranglée par la peur.

Un être en bure noire, le visage caché par un capuchon, glissait silencieusement dans le couloir, d’étranges et nauséabondes volutes de brume s’attachant à ses pas.

Rose ouvrit des yeux grands comme des soucoupes en voyant cette apparition de cauchemar se pencher et, sans un mot, lui tendre une main décharnée à la peau aussi parcheminée que celle d’une momie.

Les deux voyageuses déposèrent leurs billets dans ses griffes, et il continua son chemin, sans proférer le moindre son.

Une fois le contrôleur hors de vue, Sarah lança un soupir de soulagement ; puis, après une minute de silence angoissé, se pencha sur sa protégée :

- Sais-tu ce qu’Il fait si tu n’as rien sur toi ?

- Heu… non, madame, répondit Rose, effrayée.

- Il te jette dehors ! Là où les maigres bêtes de la nuit te pincent en ricanant !

Rose, terrorisée, s’enfonça dans son fauteuil de cuir. Si elle avait pu y disparaître, elle se serait introduite dans les coutures pour se protéger du mal qui l’entourait, et qu’elle sentait croître au fur et à mesure que le temps passait.

Sentant la terreur envahir la jeune fille, Sarah prit sa petite main moite dans la sienne.

- Quel âge as-tu, mon enfant ?

- Onze ans… enfin, je crois.

Une ombre passa rapidement dans les yeux gris de la vieille femme. Elle secouait la tête en marmonnant des phrases incohérentes :

- Mon Dieu, si jeune… Mais qu’a-t-elle pu… Si seulement je pouvais…

- Ca va, madame ? demanda Rose en voyant sa compagne d’infortune parler toute seule.

- Ca ira, ne t’inquiète pas, lui assura-t-elle en lui tapotant la main en signe d’encouragement. Nous devrons être très fortes, tu sais, très fortes. Mais je serai là et je te protégerai aussi longtemps que possible ; j’ai vu en toi un caractère bien trempé : peut-être pourras-tu… Non, fit-elle en secouant la tête, jamais personne n’a… Si jeune… Mon Dieu, si jeune…

La pocharde finit par s’endormir, bercée par les perpétuels oscillements du wagon.

Rose récupéra sa main et se pelotonna au fond de son siège, attendant la fin de cet interminable voyage vers l’inconnu. Au bout de quelques minutes, elle se mit à somnoler et fut brusquement réveillée en entendant le crissement des freins et le train s’arrêter.

Scrutant avec appréhension la fenêtre, elle ne vit que l’habituelle noirceur de poix qui l’accompagnait depuis qu’elle s’était réveillée dans ce wagon.

Sarah, déjà aux aguets, fit signe à sa protégée de se taire et de ne surtout pas bouger.

Au bout d’une minute, le convoi repartit vers son impensable destination. Rose, dépitée, ayant cru ce voyage arrivé à son terme, s’enfonça de plus belle dans son fauteuil, lorsqu’une silhouette spectrale passa devant le compartiment. C’était apparemment pour lui que le train s’était arrêté.

L’homme avait la peau blême, d’un gris malsain, et tenait une petite mallette noire à la main.

Fort bien vêtu, bien que dans des tons plutôt tristounets, il passa sans même remarquer les deux passagères.

Rose, curieuse, ne put s’empêcher de jeter un coup d’œil à cet étrange personnage et passa en douce la tête dans le couloir avant que Sarah ne puisse l’en empêcher.

Poussant un cri d’épouvante, les yeux agrandis par une terreur mortelle, elle se rua dans le giron de la vieille femme qui l’accueillit avec un demi-sourire navré, les yeux emplis de larmes. Lui caressant doucement les cheveux, elle tenta de la calmer de son mieux.

Cela prit plusieurs minutes, mais Rose finit par reprendre ses esprits et put enfin raconter ce qu’elle avait vu à la vieille dame.

- C’était… C’était horrible ! De face, il paraissait à peu près normal, mais de dos… Il avait la tête toute ouverte, madame ! Et de la cervelle en dégoulinait, laissant des traces sur le sol !

- C’était… C’était… A bout de nerfs, la jeune fille éclata en sanglots.

- Ca ira, ça ira, ma belle ; tu t’y habitueras, lui susurrait Sarah en la berçant doucement pour l’endormir, tu t’y habitueras…

Lorsque Rose se réveilla, la vieillarde l’ayant confortablement installée sur sa couchette après l’avoir recouverte de son châle mité, elle ouvrit les yeux, un regard horrifié déformant sa face. En reconnaissant le compartiment et sa compagne de voyage, ses traits se détendirent.

- Où allons-nous, madame ? demanda-t-elle à nouveau d’une toute petite voix.

- Là d’où personne ne revient, ma chérie.

- Et mes parents, vais-je les retrouver ?

Sarah secoua la tête lentement.

- Je suis désolée…

Après plusieurs heures d’un sommeil entrecoupé de rêves informes où des pattes velues essayaient en vain de l’agripper, Rose se réveilla, ayant senti que le train s’arrêtait.

Sarah s’était déjà levée.

- Je crois bien que nous sommes arrivées, ma petite, dit-elle en lui prenant la main. Tu dois maintenant être forte, tu m’entends ? La plus courageuse des petites filles de la terre !

Rose lui répondit en hochant la tête de façon peu convaincante.

En descendant du wagon, un froid mordant agressa les deux femmes, collées l’une à l’autre pour se réchauffer. L’obscurité était plus dense et angoissante que jamais, mis à part la froide et pâle lueur phosphorescente d’un panneau indicateur. On pouvait y lire : « Cinquième Cercle (Terminus).»

Rose, n’y comprenant rien, tourna sa frimousse gracile vers la vieille femme, cherchant une explication, pour s’écarter aussitôt d’elle avec effroi : la clocharde tenait un revolver encore fumant dans sa main osseuse. C’est alors qu’elle se souvint : les coups, les brûlures, les hurlements et ce que papa venait chaque soir faire dans sa chambre.

Pris d’un mauvais pressentiment, elle abaissa lentement les yeux sur ses habits ; ils étaient maculés de sang et, dans sa main droite, blanche et délicate, se trouvait un énorme couteau de boucher dégoulinant d’un liquide rouge et poisseux.

Sarah lui sourit de sa bouche édentée, alors que des glissements furtifs, des chuchotements rauques se rapprochaient insidieusement des deux malheureuses.

- Je vois que tu as retrouvé la mémoire, lui dit-elle.

Ce fut la dernière fois que Rose vit sa compagne d’infortune avant d’être emmenée au loin par des serres aux longs doigts griffus. Par-delà les ricanements et les râles des créatures l’emportant vers sa destination finale, elle entendit, bien que ne la discernant presque plus, la voix de Sarah, allant décrescendo :

- Mon Dieu… Si jeune !

;;